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Le regroupement des GFI attendu avant la fin de l’année
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Audits, reportings, ressources supplémentaires: les gérants de fortune indépendants devront se plier aux nouvelles dispositions réglementaires imposées par le gendarme financier suisse pour obtenir l’autorisation d’exercer. Au regard de la complexité et du coût des processus à implémenter, beaucoup d’entre eux considèrent sérieusement des stratégies de concentration. Selon Benjamin Tur, directeur-associé de la société Investor Gestion SA, les mois de novembre et décembre seront riches en regroupement. Entretien.
Quel est votre avis sur la nouvelle procédure d'enregistrement auprès de la Finma, que vous avez effectué pour le compte de votre société de gestion de fortune?
La procédure est constituée par deux étapes, dont la première se déroule avec la participation de l’organisme de surveillance. Suite à la soumission de notre dossier en décembre 2021, l’OS nous a retourné des feedbacks pertinents sur nos processus opérationnels ainsi que sur la gestion du risque. Nous avons traité avec la Finma dans un deuxième temps. Cette dernière met davantage l’accent sur la forme que sur le fond, contrairement à l’OS. Elle nous a acceptés six mois plus tard.
Quelles sont les nouvelles questions qui ont émergé de vos discussions avec l’OS?
La façon dont les GFI seront audités reste un point en suspens. Certains de mes confrères vont appliquer des directives toutes prêtes à l’emploi édictées par les grands cabinets d’audit, mais je me demande si elles ne seront pas un harakiri administratif, car trop chronophages et trop couteuses à long terme.
Les gérants indépendants se retrouvent devant un dilemme: comment concilier la charge de travail propre aux contraintes réglementaires sans affecter la qualité du service qu’ils fournissent à leurs clients?
La majorité des gérants de type «boutique» devront se mettre au point, rédiger des directives et adapter leur processus interne. La Finma peut requérir l’externalisation de certaines tâches et des contrôles plus fréquents sur des sujets qui vont au-delà des règles anti-blanchiment auxquelles la profession est habituée depuis de nombreuses années. Nous avons pour l’instant peu de visibilité sur ces changements, mais le travail de reporting requis par les directives demandera davantage de ressources humaines et financières, ce qui va poser des questions supplémentaires.
Les petits gérants rechercheront des structures à taille humaine qui leur ressemblent au lieu de se tourner vers les grandes banques, et ceci afin de conserver leur liberté.
Les GFI devront être assez grands pour que la charge de travail additionnelle n’altère pas leur activité de gestion, mais suffisamment petits afin de conserver la liberté et le pragmatisme qui les distinguent des plus grands établissements.
La profession va-t-elle devoir sacrifier un peu de son indépendance?
Les rapprochements ont souvent été boudés par les GFI, soucieux de ne pas mettre en danger leur indépendance, car la plupart d’entre eux sont d’anciens banquiers qui ont fui la banque pour gagner en autonomie. Le nouveau cadre réglementaire impose une réalité différente. La nouvelle charge de travail et la charge financière supplémentaire seront des arguments difficilement discutables pour certaines structures.
Il y a tout de même de bonnes nouvelles. Les libertés que ces nouvelles règles contraignent sont en partie celles qui étaient en réalité peu adéquates pour l’activité. Avoir un processus d’investissement structuré me semble être une excellente chose tout comme avoir des fonds propres suffisants et une gestion du risque plus réfléchie.
Que se passera-t-il après l’échéance au 31 décembre 2022 pour les GFI qui n’auront pas transmis leur dossier auprès de la Finma?
Les gérants qui travaillent uniquement au service d’un ou deux clients devraient se reporter sur le statut de conseiller financier. Ceux qui n’iront pas plus loin dans le processus d’autorisation se regrouperont avec d’autres confrères durant les mois de novembre et décembre. L’on peut aussi supposer que certains se retrouveront dans une zone d’illégalité. Par exemple, un GFI doté d’un seul client pourrait continuer de pratiquer sans se déclarer sur la base d’une procuration de cet individu. Il sera en revanche impossible pour les gérants pourvus d’une large clientèle d’exercer sans la licence en raison des pénalités importantes infligées par la Finma.
Comment voyez-vous le secteur se consolider?
Les petits gérants rechercheront des structures à taille humaine qui leur ressemblent au lieu de se tourner vers les grandes banques, et ceci afin de conserver leur liberté. Je m’attends ainsi à des regroupements qui coïncident avec la volonté de la Finma de voir l’industrie se consolider et se professionnaliser. Il faudra attendre le mois de novembre pour y voir plus clair. Pour notre part, nous avons déjà commencé certaines discussions avec des tiers-gérants qui souhaiteraient rejoindre notre structure, car ils ont décidé qu’ils ne feraient pas la démarche.